Texte et photos Kevin Duretz


Destiné à former et qualifier des pilotes expérimentés à pouvoir prendre part et conduire des missions au niveau de l’OTAN, le Tactical Leadership Program continu de vivre sa meilleure vie sous le soleil Castillan d’Albacete. Arrivé à l’été 2009 depuis Florennes, cet exercice majeur et pluriannuel a depuis su trouver sa place de façon pérenne sur le sol espagnol. Outre une météo plus favorable à l’année, l’accès à de très grands espaces aériens au-dessus de terres et mers ainsi que l’intérêt croissant des nations européennes du sud ont de fait été des arguments de poids. Les dix nations de l’OTAN regroupées sous le protocole d’accord (MoU) régissant le TLP continuent de façon plus ou moins régulière à y envoyer certains de leurs pilotes se perfectionner. Parmi tous les exercices récurrents en Europe il fait désormais sans contestation référence, tant pour sa longévité que pour le niveau d’exigence prodigué.

Sans avoir besoin d’être un « moustachu », c’est tout de même un minimum de 500 heures sur avion d’arme qui est exigé de la direction du TLP pour pouvoir prendre part aux différents cours proposés. Réparties en deux volets majeurs que sont les academics et les flying courses, c’est quasiment en continu que les formations sont dispensées. Sur le volet théorique : il s’agit d’appréhender comment se construisent et s’articulent les missions qu’ils seront à terme amenés à conduire. Faire le choix des bons effecteurs, la façon de les intégrer selon leurs performances propres, la concaténation de tous ces aspects préparation de mission et le briefing détaillé sont enseignés avant que les missions ne soient jouées au simulateur. L’aboutissement de ce cursus théorique n’est autre que la mise en œuvre sur leur machine de missions comao d’ampleur au travers des flying courses qui se tiennent 3 fois par an sur une durée de 3 semaines. A l’issue, les pilotes en ressortent diplômés.


Le Flying Course 23-4

Cette dernière session pour l’année 2023 était pour le moins attendue après l’annulation de la précédente dû à un nombre insuffisant de participants. Cette fois ci ce ne fut pas moins de 7 nations et 38 avions d’armes qui prirent part à la bataille. Mis à part l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni et la Grèce qui sont membres du MoU, notons la présence d’invités avec la Pologne et la République Tchèque venus respectivement avec 4 F-16 et deux L-159 Alca. Pour le reste cette édition fût particulièrement marquée par la présence d’Eurofighter, au nombre de 18 répartis sur trois nations, ainsi que de 2 Mirage 2000-5 Grecs. Côté français, la Marine Nationale prenait cette fois part au dispositif avec 4 pilotes et 4 Rafale M issus de différentes flottilles.

Le schéma « haut niveau » de ces missions comao est toujours respecté. Bien que la complexité croisse au cours des 3 semaines, les « live missions » continuent de voir s’opposer les rouges aux bleus. La répartition entre les deux pourrait d’ailleurs paraitre inéquitable puisque nous avons vu s’affronter 28 rouges face à seulement 10 bleus. Qui plus est figuraient parmi eux les « modestes » L-159 Tchèques et deux vénérables Alphajet du 3/8 Cote d’or, pour qui les participations risquent désormais d’être comptées. C’est bien là qu’intervient toute la complexité de ces missions, car les rouges en plus du volet aérien avaient pour eux de nombreux arguments. Des capacités au sol : radars, défenses sol-air multicouches, JTAC ainsi que la corvette de la firme DRAKEN en charge du brouillage des données. Ponctuellement aussi, des moyens SAR et un AWACS du plot OTAN se joignent aux missions. Plus intéressant, les élèves voient s’intégrer progressivement à ces effecteurs classiques de nouvelles menaces de type cyber et spatiale afin d'augmenter l’intensité et la représentativité de leurs futures missions. Longues de plus de deux heures, ces sorties comao se déroulent l’après-midi et sont au nombre de 9 sur les trois semaines de formation. Elles sont précédées de missions moins intenses dites de familiarisation en début d’exercice et régulièrement d’une « shadow mission » intervenant le matin ou en nocturne.


L’avenir du TLP

L’objectif du TLP n’étant pas de jouer à chaque fois de nouveaux scénarios avec de nouveaux participants mais bien de mettre à disposition des alliés quantité de pilotes expérimentés au niveau OTAN, les choses y sont bien huilées. Ce qu'il se passe dans l’actualité n’a pas d’impact direct ici, les éventuelles réactions se font aux temps longs. Le syllabus de l’exercice reste inchangé, les missions sont globalement rejouées, seuls les pilotes passent. Toutefois ce n’est pas pour autant que rien ne change, ils s’adaptent. L’intégration de nouvelles menaces en est un exemple mais surtout le TLP se doit de respecter et répondre aux besoins des nations. Il est aujourd’hui un point clef qui lie bon nombre des nations de l’OTAN, c’est l’arrivée du F-35 dans leurs rangs. Et ce point est tout sauf anodin. N’en déplaise à certains, cet avion de 5ème génération va bientôt se retrouver chez plus d’une dizaine de nos voisins et pour une force aérienne il change la façon de faire la guerre par rapport aux avions des générations 4 et 4.5. Son intégration au TLP, l’évolution en conséquence des missions, le mixage avec des avions de générations différentes, le transfert et l’utilisation des données qu’il génère sont les problématiques majeures auxquelles le commandement et les instructeurs du TLP se frottent actuellement.

Introduit pour la première fois en 2019 avec deux machines venant de Hill AFB, ce sera bientôt au tour des Européens de réellement franchir le pas. Les américains ayant à l’époque conclus que les moyens et installations de la base de Los Llanos étaient aptes à les accueillir. Invité à la conférence de presse, un officier anglais se réjouissait du retour de son pays au TLP après une longue absence. Mais il était réellement impatient de se voir revenir avec des F-35B. Les exigences opérationnelles faisant que ça ne sera certainement que pour 2025 et dans un premier temps panaché avec des Eurofighter. Ce sont ainsi les Italiens qui souhaitent ouvrir le bal en essayant d’intégrer leur nouvelle monture dès la fin 2024. Nul doute que d’autres nations matures sur le programme tels que les Pays-Bas risquent de suivre le mouvement à court terme. A horizon 10 ans la diversité des machines lors des TLP s’en ressentira certainement, malheureusement, mais il est indéniable que le niveau de compétences atteint aura alors franchi un nouveau palier.